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Jessica Rosval : Le feu sacré

La québécoise Jessica Rosval, nommée meilleure cheffe en Italie en 2021, salue ce prix qui lui offre une tribune exceptionnelle pour parler de ce qui lui tient à coeur : son travail aux cuisines de l’hôtel Casa Maria Luigia, la gastronomie durable et l’urgence de sauver notre planète. Rencontre avec une étoile montante.

Déterminée, passionnée, Jessica Rosval a tout d’une battante. Première cheffe non italienne à remporter le titre du prestigieux Guide de l’Espresso, elle incarne à elle seule cette nouvelle génération qui veut changer le monde de la cuisine et secouer les consciences.

C’est avec un certain étonnement que la mère de Jessica a d’abord accueilli sa décision de devenir cheffe alors qu’elle avait 16 ans. « J’ai toujours su que je voulais voyager. J’ai convaincu ma mère en lui disant que je pouvais cuisiner partout dans le monde. » Élève à l’ITHQ, elle a appris les bases du métier chez Laurent Godbout, puis parfait son apprentissage chez la cheffe Melissa Craig, à Whistler. « Le style était très différent, la cuisine calme, saine et axée sur les produits du terroir. J’ai emprunté beaucoup de son approche du travail d’équipe. » Cette femme au tempérament nomade a repris son sac à dos pour parcourir l’Europe, et son arrêt en Italie a été déterminant. « Je laisse toujours la porte ouverte à l’inattendu. Je suis arrivée à Milan le 13 octobre 2013 et je suis allée manger à l’Osteria Francescana de Massimo Bottura le 19. Nous avons discuté du pouvoir des mets et de leur capacité à raconter une histoire. » Le chef lui a alors offert de l’aider à trouver un emploi; elle a choisi ses cuisines. « J’ai eu droit un essai de deux jours. Je ne parlais pas l’italien, mais j’étais déterminée. J’étais prête à peler les pommes de terre pour rester à l’Osteria Francescana. » Elle y est parvenue. Elle dit avoir appris du chef Massimo Bottura l’ouverture au monde. « Il m’a enseigné que l’inspiration est partout : dans l’art, les livres, l’histoire et la musique. » Il lui a aussi appris l’aspect humain de la cuisine, l’importance du travail d’équipe et l’appréciation des gens qui nous entourent.

Derrière chaque plat, une histoire…
Design Louis George
Bui Opto
Chef Massimo Bottura et Jessica Rosval créent la touche finale de l’un des plat du menu dégustation du Francescana de la Casa Maria Luigia «The crunchy part of the lasagna».

Ces leçons sont devenues le modus operandi de celle qui cherche à modifier les exigences liées au métier. « Les heures interminables, le travail difficile, l’ambiance rigide ne sont pas un mode de vie durable. Ici, j’essaie de bâtir le futur de la restauration. Je tente de maintenir l’équilibre entre travail et vie privée. Je me suis assise avec chacun de mes cuisiniers pour savoir comment ils entrevoient l’avenir et quels sont leurs objectifs, parce qu’ils ne travaillent pas uniquement pour Casa Maria Luigia, mais aussi pour eux. Je ne veux pas qu’ils arrêtent dans dix ans en se disant que c’est trop dur. » Heures prolongées, temps des Fêtes au boulot, anniversaires loin des siens, ce métier demande de constants sacrifices. « Ces sacrifices laissent des traces sur nos vies, nos coeurs, nos liens avec la famille. J’ai vu trop de gens en souffrir et je suis déterminée à ce que ça change. Nous avons la chance d’accueillir de jeunes chefs, de les former et de leur dire qu’ils peuvent bâtir une vie durable dans cette industrie. »

Imaginée par Massimo Bottura et Lara Gilmore afin que les invités se sentent comme à la maison, Casa Maria Luigia abat de multiples barrières aussi bien en hôtellerie de luxe qu’en gastronomie. « Nous servons des repas trois étoiles Michelin, mais nous voulons aussi que la vie reprenne dans notre salle à manger, que les gens s’y sentent comme chez eux, qu’ils rient et qu’ils entrent en relation. La clé d’un repas réussi, ce sont les mets, le service, le plaisir, la convivialité et l’aspect rassembleur. » L’hôtel offre trois menus; celui du soir est basé sur les concepts et les plats qui ont fait la réputation de l’Osteria Francescana de Modène. L’heure du lunch est laissée à la discrétion de la clientèle, qui peut accéder toute la journée à un réfrigérateur rempli de plats conçus à partir d’ingrédients locaux. Cela dit, les barbecues du dimanche, projet créatif de Jessica, ont pris une saveur toute spéciale. « Tout a commencé très innocemment après la première quarantaine causée par la pandémie, par une invitation lancée aux gens des environs pour un barbecue en commun qui leur procurerait du plaisir. » Le concept a évolué depuis, et si fumoir, gril et four à bois évoquent toujours des saveurs nostalgiques, ils permettent aussi de mettre en valeur le talent de Jessica. « Le menu est un voyage aux sources de la cuisine italienne telle que vue à travers les yeux d’une étrangère, et reflète les découvertes que j’ai pu y faire. » Les produits de l’Émilie-Romagne y sont mis à l’honneur de même que quelques saveurs bien d’ici, dont le sirop d’érable et les goûts fumés. « Nous ne nous limitons pas aux recettes traditionnelles. Nous laissons nos expériences et nos rencontres nous influencer. Le transfert culturel ne se fait pas par l’importation des ingrédients, mais par les idées. »

Une brigade bien soudée à la Casa Maria Luigia.
Condos Evolo NEX
Nadia Maltais
Bardagi
Birks
Oops I dropped the lemon tart - Francescana at Maria Luigia_credit Marco Poderi copie (Custom)
« Oops! I dropped the lemon tart », dessert iconique du restaurant Osteria Francescana, maintenant au menu du Francescana à la Casa Maria Luigia

La cuisine a ouvert plus d’une porte à Jessica Rosval, qui y a aussi découvert une façon de faire évoluer les mentalités, que ce soit par la conception du travail, l’inclusion sociale, l’égalité des sexes ou le développement durable. « Développer des modes durables d’alimentation et s’attaquer à la crise climatique, nous pouvons y arriver en reprogrammant notre façon de produire les aliments et de consommer. » Le sujet la passionne au point d’occuper les heures de loisir qu’elle passe dans son restaurant à but non lucratif. « Je veux donner l’exemple, créer des tendances que les jeunes générations pourront suivre. Je veux contribuer à guérir cette planète. Si nous n’agissons pas maintenant, plusieurs des ingrédients que nous utilisons présentement pour la gastronomie n’existeront plus dans 20 ans. »

Jessica Rosval s’est posée sur un terreau fertile qui lui a permis de grandir et d’évoluer au sein d’une équipe soudée. Que lui réserve l’avenir? « Je suis si chanceuse de faire partie de tout cela et de pouvoir mettre en place mes propres projets, mais dans mon esprit, la porte est toujours ouverte à l’inattendu », conclut cette éternelle voyageuse.

casamarialuigia.com et massimobottura.it

Une sélection d’huiles et de vinaigres signée Massimo Bottura est offerte à la maison Westmount; maisonwestmount.ca

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Création culinaire aux saveurs du terroir d’Émilie-Romagne.
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